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les chansons de la semaine 2011 (2/5) (archives)


 

Si vous avez manqué la première partie de cette sélection 2011, c'est par ici !

 

* Article initialement publié ici le 14 mars 2011

 

J'ai choisi cette semaine un morceau d'un jeune français un peu bizarre : "Ghetto Bounce" de Tepr, sorti sur son album En Direct de la côte en 2006 sur le label idwet. Tepr ? C'est quoi ce nom ? Vous préférez Tanguy Detestable ?

 

 

Comment ai-je découvert ce mec, déjà ? Au début des années 2000, déçu du hip hop français typique (presque seule la Mafia K'1 Fry trouve grâce à mes yeux), je m'investis corps et âme dans ce hip hop iconoclaste qu'offrent alors des groupes comme TTC, Klub des Loosers, La Caution, que j'aurais l'occasion d'émettre. C'est dans la recherche encyclopédique du moindre featuring d'un de ces rappeurs que je tombe sur l'album Côte Ouest de Tepr (2005), qui a invité Cuizinier de TTC. 

 


 

J'accroche tout de suite avec sa techno qui s'inspire "du hip hop le plus salace", selon Clovis Goux. Grand admirateur devant l'éternel des Beastie Boys, du Wu Tang Clan, de Nirvana, de Prince, de Tears For Fears, de The Jesus Lizard et de l'électro de Daft Punk, Aphex Twin, Justice, Mr Oizo, SebatiAn, "Tepr [...] vient d'une génération [...] dont les premiers émois soniques remontent à Moroder et aux Buggles et qui a sans doute fait son éducation sentimentale au son de la TB-303." (1) Le son est saccadé comme les Daft, crade comme du crunk, et les titres portent des noms dérangeants : "Muchas tetas, poco sexo", "Tits, yeyo & yumyum", "Crève salope", "Un accident de voiture", "Rhinopharyngite". Le grand public le découvre lorsqu'il remixe "A Cause des garçons" en 2007 de sa pote Yelle, dont il a produit une partie de l'album avec son autre pote GrandMarnier. Même s'il n'est connu que par un noyau dur de fans, il est pour moi l'un des meilleurs producteurs de techno français, loin devant les Guetta et autre Solveig... Bien meilleur ! 

 

 

* Article précédemment publié ici le 21 mars 2011

 

J'ai choisi cette semaine un titre d'un autre jeune français : "Dog" de SebastiAn, sorti sur la  compil Ed Rec vol. III en 2008 sur Ed Banger. 

Jeune surdoué du label, SebastiAn est un spécialiste des remixes. Il a en effet touché à tout : Annie, Uffie, Mylo, Kavinsky, Klaxons, The Kills, Sébastien Tellier, il a même écorné des morceaux de Daft Punk, Rage Against the Machine et The Who ; toujours pour les pervertir, les déstructurer, les déconstruire ! Très pote avec son voisin de label Mr Oizo, il signe quelques morceaux sur la bande originale de son film Steak, avec son autre pote Sébastien Tellier ; proche du crew Kourtrajmé, il signe également la BO du long-métrage de Romain Gavras, Notre Jour Viendra, disque qualifié par Thomas Ducres de "musique de chambre et symphonies d'orchestre, électro spartiate pour conquérir les cités d'or", sombre, tragique et surprenant (2). J'ai découvert SebastiAn en écoutant des pelletées de titres labellisés Ed Banger, mais je ne pourrais plus dire quel est le premier titre entendu. Peut-être dans Steak (dans lequel il joue un membre des Shivers, d'ailleurs !). 

 

 

Le morceau attaque d'emblée : voix agressive et syncopée directement issue de la scène la plus hardcore, beat électrique et lourd comme l'enfant né d'un viol du "Fire Your Guns" d'AC/DC par le "Burning Flag" de Marylin Manson, guitare saturée à l'excès et ultra basique à côté de laquelle celle du "Robot Rock" des parrains Daft Punk paraît bien sage, ambiance barres de fer et baston, nuit noire éclairée aux néons usés, avec en toile de fond un paysage urbain dévasté, caisses qui crament, pillages et enfants qui pleurent. Urgence, gangs de rue, et fin du monde : les humains pires que des chiens ?


 

* Article initialement publié ici le 27 mars 2011

 

J'ai choisi cette semaine un fameux morceau des Anglais de The Prodigy, "Smack my Bitch Up", sorti en 1997 d'abord en single puis sur le mythique album Fat Of The Land, sur XL Recordings. Le titre est typique du son du groupe formé en 1990 dans le comté d'Essex, en Angleterre, qui allie punk, techno et hip hop. A vrai dire, l'intérêt de l'album tient en quelques mots : la redéfinition du punk (3) ; même si Liam Howlett ne cessait d'asséner des "I fuck rock'n'roll" au début de certains concerts en 1998 (4). 

 

Froide ambiguïté comme chez une égérie d'Hitchcock, vélocité lourde du beat digne d'une rave, le morceau reste néanmoins festif, à l'image du chant lyrique dans la deuxième partie, mais d'une manière provoc et aggressive, comme en témoignent le titre "Dérouiller ma salope", la première image de la pochette du single (la photo d'une Mercedes accidentée qui ressemblait étrangement à celle de feu la Princesse Diana, décédée en août 1997), et le clip. Parlons-en du clip : on y suit les élucubrations d'un gonze qui alterne agressions sexuelles et overdoses, en une caméra subjective semblant nous contraindre au vécu nauséeux d'un soi-même. 


 

J'ai découvert The Prodigy dans ces années-là, riches musicalement pour moi, scrutant MCM en mode continu. Le clip de "Breathe" y passait en boucle, et le larsen introductif de "Firestarter" avait été transformé en jingle pour la chaîne. Un après-midi de mon adolescence incertaine, je tombe sur une rétrospective (déjà !) du groupe sur MCM, dans laquelle les clips se succèdent et m'apprennent l'histoire du groupe, entrecoupée de commentaires instructifs de la présentatrice Anne-Gaëlle Riccio. Que retenir de ces allumés, survoltés, puissants qui forment le groupe ? "[Ils resteront] une marque indélébile dans la musique qui dérange, la musique qui fait bouger, la musique fédératrice, celle qui réconcilie les antagonistes [...]." (5) 

 

* Article initialement publié ici le 3 avril 2011

 

J'ai choisi cette semaine une chanson de la jeune M.I.A. qui s'intitule "Meds & Feds", présente sur son dernier album /\/\/\Y/\, sorti en 2010 chez XL Recordings. 

 

 

 

Je vous l'accorde, elle n'est pas au mieux de sa forme sur ce titre ; celui-ci est si tonitruant, si crade, si bruitiste, si vide, qu'il permet de le faire, le vide. C'est un titre pour décompresser. Pour décompenser. Pour faire table rase de sa journée. Pour anesthésier son cerveau. Une sorte de lobotomie récréative et régressive.


 

J'ai fait la connaissance de M.I.A. en feuilletant le magazine Technikart, il me semble que c'était pour son deuxième album Kala, en 2007. Une bombe : des sons sanguinolents, que je n'avais jamais entendus, un "patchwork d'étendards criards" (6) moulés en une musique plurielle et amnésique. Une enfance pas forcément normale, tiraillée entre les logements sociaux en Angleterre, l'exil en Inde, la guerre civile au Sri Lanska, la mort de son père, figure du Tamoul libre ; sa scolarité laisse éclater un tempérament créatif, comme peuvent en témoigner ses pochettes et ses tenues, quoique pas toujours du meilleur goût ! En plus, son activisme cool (pour l'indépendance du Tamoul) et ses références (notamment aux Clash et à Joe Strummer) ne plaisent pas à tout le monde : "[...] on a M.I.A. qui s'en réclame à donf alors qu'elle n'en est pourtant à peine qu'une caricature bitchy. Qui annonce se foutre de son image mais balance sur Twitter les données personnelles d'une journaliste l'ayant un peu trop critiquée [...]" (7). Moi, je m'en fous un peu, de tout ça ; elle continue à avancer sans regarder dans le rétro, et peut même faire son autocritique. Et puis, le fait qu'elle s'acoquine avec la bande de Kourtrajmé (Romain Gavras) pour son clip controversé de "Born Free" me la rend encore plus sympathique ! Enfin une artiste aux prises avec les paradoxes de son temps : connectée et tiers-mondiste, féministe et activiste, mainstream et underground, fashionista et provoc jusqu'au bout des ongles... Finalement, c'est d'être profondément actuelle qu'on lui reproche ? 

 

* Article initialement publié ici le 10 avril 2011

 

J'ai choisi cette semaine un morceau des frenchy de Justice, "One Minute to Midnight", sorti sur l'album  en 2007 chez Ed Banger. 

 

C'est un morceau que j'ai adoré dès la première écoute de l'album, notamment parce qu'elle agi sur moi comme une madeleine de Proust. En effet, pour ceux nés au début des eighties qui avaient la chance de tripoter les manettes des nouvelles consoles de salon, le jeu Terminator sur la Sega Megadrive donnait quelques satisfactions. Ce qui m'avait marqué, c'étaient les sons : le bruit des flingues et la musique du jeu, angoissante. Je ne sais pas si Justice a tâté de la bête, mais le morceau est une référence presque explicite à cette BO. Et à celle de John Carpenter aussi. 


 

Dès la première écoute, je revis toute ma jeunesse d'apprenti gamer ; un morceau assez calme (comparé à "Let There Be Light", "Phantom", "Stress", "Water of Nazareth"), teintée d'une certaine mélancolie et fulgurée par quelques éclairs d'électricité. J'ai fait la connaissance de la tornade Justice bien avant qu'ils sortent leur album, mais après avoir sorti leur remix de Simian, "Never Be Alone", salué par toute la presse underground. Les pages de Technikart m'ont rendu très impatient ; à l'écoute de l'album, une grande claque. Le titre qui ouvre l'album, "Genesis", est un sommet de baroque électro, un jugement dernier à la sauce French Touch, une apocalypse SF, saturée d'énergie électrique crade, noire, auréolée de voix d'anges de la mort, enchaînant sur un morceau plus violent encore. Justice, dignes héritiers des grands frères à casques (Guy-Man et Thomas, avec le même père Pedro), ont l'avantage d'offrir une oeuvre globale, pas seulement une cohérence musicale : Justice, c'est un bouquet, une imagerie, des références pop, des symboles. Et puis, leur utilisation obsédée du sample aurait pu les desservir, mais elle sublime le son "Justice", rend cohérent l'ensemble, et donne à voir (lapsus : à entendre ! c'est bien de la musique) une oeuvre post-moderne mais singulière. Surtout, c'est un grand coup de frais dans l'univers de la pop, qui commençait franchement à s'ankyloser depuis le demi-échec du troisième album des Daft Punk (que j'apprécie pourtant beaucoup, personnellement). 

 

La troisième partie de la sélection 2011, c'est par ici

 

 

Notes

(1) Clovis GOUX (2005), "Chronique : Electro crado gramme", Technikart n° 96, octobre, p. 109. 

(2) Thomas DUCRES (2010-2011), "Mr Oizo & Gaspard Augé VS SebastiAn", Technikart n° 148, décembre-janvier, p. 113. 

(3) Macho BLUES, http://www.metalorgie.com/groupe/Prodigy#785

(4) Aurélie, http://www.albumrock.net/critiquesalbums/the-fat-of-the-land-948.html

(5) Macho BLUES, ibid.

(6) Joël VACHERON (2007), "M.I.A. : le monde se télescope", Vibrations n° 96 ; http://joelvacheron.net/sound-culture/mia/

(7) Serge (2010), sur le site Goûte Mes Disques : http://www.goutemesdisques.com/no_cache/chroniques/album/y/

 

 

 

 

Bonus : pour ceux qui ont raté ça en 1992 : 

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