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les chansons de la semaine 2011 (1/5) (archives)


 

Si vous avez raté la sélection de 2010, c'est par ici !

 

* Article initialement publié ici le 2 janvier 2011

 

J'ai choisi cette semaine le morceau d'un artiste très important et pourtant méconnu en France : Gil-Scott Heron. Inclassable, ce vieux noir ravagé et pourtant encore élégant, lettré, est d'abord un écrivain, auteur de polar et de poésie, très tôt révolté et engagé. Il scande bientôt ses textes à travers des rythmes funky afro-cubains, dans un mélange d'éloquence, de militantisme et d'assurance digne d'un dissident politique. Chanteur et musicien adroit, sa carrière s'envole dans les seventies, une décennie fructueuse pour l'art populaire noir états-unien ; sa musique est créative et accompagne les avancées technologiques de son époque. Abandonné par ses fans, puis par sa maison de disques, les années 1980 signent une lente déchéance, même si on le redécouvre (anonymement) la décennie suivante à travers son influence sur le hip-hop (il ne se retint pas de critiquer les rappeurs en 1994, dans "Message to the messenger"). Des problèmes de drogue et de violences domestiques le contraignent à des séjours en prison et en centres de désintoxication. J'en avais déjà entendu parler à plusieurs reprises durant mon adolescence, sans prendre conscience de son importance et de son talent. Puis, décidé à rattraper le temps perdu en écoutant son dernier album, I'm New Here, en 2010, que la presse accueille très favorablement, je tombe sur l'une des meilleures galettes que j'ai entendues dans ma vie ! Assurément, cette voix revient d'entre les morts. 

 

Gil-Scott Heron, "The Crutch", sur l'album I'm New Here, sorti en 2010 chez XL Recordings. 

 

 

* Article initialement publié ici le 9 janvier 2011

 

J'ai choisi cette semaine le tube d'un groupe de hip-hop mythique : "Me, Myself and I", de De La Soul, sorti en 1989 sur leur premier album 3 Feet High and Rising, sur le label Tommy Boy. 

J'ai découvert ce groupe en 2000 à l'écoute de leur single "(It Aint) All Good?", en featuring avec l'immense chanteuse soul Chaka Khan, une chanson que j'ai moyennement appréciée sur le moment. 

 

A la même époque, en zappant sur la chaîne musicale MCM tard dans la nuit, je fais des trouvailles musicales extraordinaires : c'est notamment là que j'ai découvert, en 1996, le clip de "Da Funk" des Daft Punk réalisé par Spike Jonze, que j'ai mis du temps à trouver en CD ! C'est lors d'une nuit de ce genre que je repère un vieux titre old school des rappeurs new-yorkais, qui m'a tout de suite plu.


 

Tout y est : le son hip-hop 80s, la basse entraînante, le rythme bonhomme, le tout sur un sample de George Clinton et de son Funkadelic (selon mon frère), les mecs cools et décalés, les coupes de cheveux éclatées, l'autodérision, et surtout un recul rare sur les extravagances des rappeurs (chaînes en or XXL, ghetto blaster, couleurs vives, casquettes et chaussures de sport), à l'opposé par exemple du gangsta rap des N.W.A. à Los Angeles. Cette critique (visuelle) du milieu est très en avance sur son temps, devance même les sketchs des Inconnus et des Nuls en France ! Triste quand on observe à quel point les faux rappeurs d'aujourd'hui ressemblent encore parfois à la caricature dressée dans le clip il y a vingt ans... 

 

* Article initialement publié ici le 16 janvier 2011

 

J'ai choisi cette semaine le morceau d'un duo hip-hop de Harlem, Rob Base et DJ EZ Rock : "It Takes Two", sorti sur l'album éponyme en 1988 sur le label Profile Records. Le combo new-yorkais, connu localement sur les radios et dans les clubs de la grosse pomme, se produit au milieu des eighties pour splitter au crépuscule de la décennie. 

 

Il est surtout connu pour ce hit de 1988, qui sample notamment le titre funk de Lyn Collins "Think" (1972), le début du titre "Space Dust" de Galactic Force Band (1978) et le "Hit it" de "La Di Da Di" des human beat box Slick Rick & Doug E Fresh Tribute (1985). A noter que le "Ouh Ah" entendu à intervalles réguliers est déjà sur le titre de Lyn Collins, et qu'il est prononcé par le mentor de cette dernière, James Brown en personne !


 

C'est un titre très entraînant qui, si on tend l'oreille, passe un peu partout sans que l'on sache si c'est une blague potache ou une reprise d'un vieux titre hip-hop. C'est d'ailleurs la chanson favorite de Randy dans la série My Name is Earl : lorsque le début s'enclenche, l'envie envahit doucement son corps, annoncé par un léger rictus satisfait ; lorsqu'elle part, une danse fraternelle débute dans une chorégraphie digne de la plus noble des prêches à la truite. Un putain de fou rire ! 

 

* Article initialement publié ici le 24 janvier 2011

 

J'ai choisi cette semaine le brûlot d'un rappeur du Bronx dénommé Timothy Blair, plus connu sous le pseudo Tim Dog : "Fuck Compton", sorti sur l'album Penicillin On Wax en 1991 sur le label Ruffhouse Records. Fuck Compton, rien que ça ! Je rappelle à toute chose utile que Compton est un ghetto noir au sud de Los Angeles, la banlieue criminelle et brûlante de N.W.A., composé de Dr. Dre, Eazy-E et Ice Cube. Inconscient, le Tim Dog ? Provocateur !

 

En 1991, la guerre West Coast-East Coast semble lancée et ce titre y est certainement pour quelque chose. Il faut dire qu'ils sont un peu énervants, ces gangsta succesful, avec leur "son ultra punk, ultra funk, ultra groovy", selon Benoît Sabatier (1). Moquant les usages vestimentaires et musicaux de ses homologues, Tim Dog contribue à une guerre qui se terminera avec les morts de Tupac et Biggy en 1996 et 1997. 


 

Le son est lourd, gras et crade comme un bon gros burger au saindoux, entraînant aussi, un peu potache, mais l'imposante voix du rappeur empêche l'auditeur de rigoler à grosses larmes en le forçant à se gratter virilement les parties, tout en crachant sur ces baltringues de l'autre côte. C'est paradoxalement très proche, musicalement, de N.W.A. ! La première fois que j'ai entendu ce titre, c'était une reprise française ! Le groupe Mafia K'1 Fry l'a repris sur son magistral La Cerise sur le ghetto en 2003, rebaptisée "F.U.C.K. Ton Pote". Puis mon frère avait été voir ce que donnait la version originale et, depuis, les deux titres demeurent pour moi des incontournables.

 

 

* Article initialement publié ici le 31 janvier 2011

 

J'ai choisi cette semaine une chanson de l'électro-funk eighties comme on les aime : "More Bounce to the Once", du groupe Zapp Band, sorti sur leur album Zapp en 1980 chez Warner Bros. Record. Originaires de Dayton, dans l'Ohio, Roger Troutman et ses frères percent dans la musique grâce à leur sonorité bien personnelle, en particulier le son émis par le leader à travers la talkbox, un procédé acoustique se servant de la voix pour modifier le son qui y entre (à ne pas confondre avec le vocoder, procédé électronique qui transforme directement la voix, utilisé de manière systématique ces dernières années, particulièrement dans le hip-hop (2)). 

 

 

Produit par Bootsy Collins, proche du Funkadelic de George Clinton avec lequel il a travaillé, le groupe devient superstar du funk durant les années 1980, surtout après ce tube. Seulement, voilà : comme le dit Benoît Sabatier, "Roger chope la grosse tête". Jusqu'à ce jour de 1999, où une dispute tragique emporte ce dernier et son frère à coup de plomb. 


 

 

La première fois que j'ai entendu cette tuerie (le morceau, pas le drame), j'ai tenté de l'enregistrer sur une K7 pour me l'approprier et l'écouter sur mon baladeur : c'était furtivement dans La Haine, en 1995. La chanson retrouve une troisième jeunesse quand sort GTA Vice City, la radio Wildstyle la programme. Tout est bon : les basses, le chant, les petits riffs de guitare, ton corps est emporté, tes hanches bougent indépendamment de ton esprit, le diable est entré ; et le pire, c'est qu'après neuf minutes de boucle (merci Jack), tu en redemandes... Dire que le son de "California Love" de 2Pac et Dre, c'étaient eux !

 

* Article initialement publié ici le 6 février 2011

 

J'ai choisi cette semaine un titre des hyperactifs de Rage Against the Machine : "Renegades of Funk", sorti sur l'album Renegades en 2000 chez Epic. Ce groupe a marqué tous les jeunes qui avaient quinze ans au début des nineties ; moi, je n'en avais que huit, c'est la raison pour laquelle je ne les ai approchés que bien plus tard, après avoir splitté. 

 

 

En effet, je les découvre sur la bande originale du jeu GTA San Andreas, dans lequel Radio X diffuse "Killing in the Name of", en 2004. Né à Los Angeles, le groupe est proche des milieux hardcore et hip-hop, comme quoi ! Musique radicale, paroles sans concession, son brut voire brutal, attitude activiste et militante, RATM fait mal : contre la mondialisation et l'idéologie néolibérale, contre le racisme et l'indifférence.

 


 

En 2000, au moment de leur séparation, le groupe fait paraître l'album Renegades dans lequel ils reprennent d'autres artistes. "Renegades of Funk" est une reprise électrique d'Afika Bambaataa & The Soulsonic Force, sur l'album Planet Rock en 1986, morceau déjà sorti en 1983 en single. Manifeste en faveur de ceux qui changent l'histoire, le clip (invisible en entier à l'heure où j'écris) est une suite de figures emblématiques de la contre-culture américaine, un morceau à écouter le poing levé, No Logo de Naomi Klein dans la main libre, un keffieh sur la bouche et un t-shirt à l'effigie du drapeau de l'EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) sur le dos !

 

* Article initialement publié ici le 15 février 2011

 

J'ai choisi cette semaine un morceau d'un rappeur anglais plus hardcore et jeune que moi, Dizzee Rascal. Le titre s'appelle "Sirens" (sur l'album Maths + English, publié en 2007 chez XL Recording) et, effectivement, mes oreilles n'en sont pas sorties indemnes la première fois qu'elles ont côtoyé cette "raclure" (grime caractérisant ce style musical né dans la banlieue de Londres, brutal et anglais). 

 

Un flow clair, limpide et agressif, parfois arrogant, un son dur et violent, la musique est sombre et Dizzee n'est pas là pour miauler un refrain sur un florilège de samples funky. J'ai tout de suite adoré ce morceau, l'un des meilleurs de l'album. C'est mon frère, alors très activement branché sur toutes les formes marginales de hip-hop, qui m'a fait découvrir cet artiste, que l'on pourrait rapprocher du son Dirty South, ce son très speed, très crade, du Sud des Etats-Unis. 


 

Dizzee Rascal est un artiste qui me plaît car sans trop de barrière artistique : venu de la scène rave, il se révèle excellent MC, un producteur exigeant n'hésitant pas à mêler des sons différents, voire antinomiques (même si d'autres ont déjà creusé ce genre d'expérimentations), il s'évertue désormais à produire un son plus électro, plus accessible, et plus pop. Sans perdre son exigence artistique.

 

* Article initialement publié ici le 25 février 2011 (que j'ai franchement modifié)

 

J'ai choisi cette semaine un titre du projet sorti en 2005, Megalopolis, projet initié par DJ Mehdi (qui a d'abord fait la musique en fonction de ses envies, notamment celle de raconter son "chez lui musical") et mis en image par Romain Gavras pour le collectif Kourtrajmé dans un court-métrage de seize minutes. Le tout est ensuite sorti en CD-DVD, sous le nom Des Friandises pour ta bouche, avec l'album complet de DJ Mehdi, le film, et d'autres bonus signés Kourtrajmé. 

 

 

C'est à la fois un album, complet, cohérent, mais aussi un film qui se tient ; une œuvre audiovisuelle, littéralement. L'ambition du projet est de célébrer le Paris hip-hop, dans toute son originalité, dans toute sa musicalité, dans toute sa radicalité, à travers l'itinéraire précaire de Dimitriu et sa découverte du breakdance. Le film est brut, drôle, fantasmatique, une preuve d'amour au Paris hip-hop de Mehdi et Gavras. 

 

Le morceau que j'ai choisi se nomme "Le Cirque" et ressuscite un Notorious BIG imposant sous les traits d'un Tékilatex postiché, dans une instrumentation associant les rythmes hip-hop, électro et métal, pas si éloignés que cela, harmonieux même. Pour les néophytes, on pourrait presque croire à un morceau original ! 


 

Mehdi est un artiste complet, riche. Né en 1977 en banlieue parisienne, il fait ses armes aux côtés des rappeurs du 94 (Different Type, Idéal J, 113, Rohff, Intouchable, Karlito) au sein de la Mafia K'1 Fry, leur offrant des productions exigeantes et différentes de ce que le hip-hop d'alors propose. Non content de collaborer avec une bonne partie du rap hexagonal (Sages Po', Koma, Fabe, Assassin, Rocé, Akhenaton, Booba, Oxmo Puccino), sa carrière prend un nouveau tour, plus éclectique, plus riche, lorsqu'il signe en 2006 chez son pote Pedro Winter (manager de Daft Punk, puis de Justice, etc.), le boss du label branché Ed Banger : il fait alors le lien entre Idéal J et les Daft ; puis, avec Riton, il fonde Carte Blanche, ravivant les plus belles heures de la house. Beaucoup de plaisir en perspective ! 

 

Bonus : "Keep Moving" suivi de "We Crying"

 


 

* Article initialement publié ici le 7 mars 2011

 

J'ai choisi cette semain un titre du duo barré d'Atlanta : "B.O.B." par Outkast, sorti en 2000 sur l'album Stankonia sur LaFace Records. J'ai découvert ces types une journée de 2001 avec le clip zarbi de "Mrs Jackson", morceau qui ne m'a pas accroché d'ailleurs. 

 

 

 

En revanche, lors de mes nuits de zapping sur les chaînes musicales du satellite, je suis tombé sur le clip d'un autre morceau du groupe, pas du tout le même genre que "Mrs Jackson". Un clip chromatiquement psychédélique, musicalement électronique, hip-hop sur le bout des ongles, hystérique avec ses bimbos masquées et son singe hurlant... Un OVNI visuel et sonore. J'ai vécu avec cette chanson orpheline, car à l'époque je n'avais pas pris soin de me renseigner, le titre suffisait. 


 

 

Puis, en 2003, un autre OVNI. La double galette Speakerboxxx/The Love Below vient à peine de claquer dans les bacs que ma belle-mère me l'offre (à Noël ou à mon anniversaire, je ne sais plus). La partie d'Andre 3000 passe en repeat dans mes esgourdes depuis ; cet album est l'un des plus aboutis de l'histoire du hip-hop ! Tombés dans le rap étant petit, ils rivalisent puis s'associent et signent, au début des nineties, sur le label LaFace pour devenir une sérieuse alternative à l'opposition East coast-West coast. Dernièrement, Big Boi a enfanté un album solo aussi riche que ceux sortis avec son compatriote sosie de Jimi Hendrix. Chapeau bas !

 

La suite de la sélection de 2011 ici

 

Notes

(1) Benoît SABATIER (2007), "A quel âge ont-ils été vraiment jeunes ? Entretien avec Léonard Haddad", Technikart, n° 110, mars, pp. 30-31.

(2) Selon un auteur pointilleux de Wikipedia

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