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les chansons de la semaine 2010 (archives)


* J'ai inauguré cette rubrique en novembre 2010. Les articles qui suivent, que j'ai regroupés, ont été publiés en novembre et décembre 2010.

 

Grand amateur de musique, votre serviteur inaugure une nouvelle rubrique ce mois-ci : "la chanson de la semaine". Chaque semaine, je publierai un morceau accompagné d'un texte court et subjectif. Le mot "amateur" signifie certes celui qui n'est pas professionnel, mais il renvoie également à sa racine étymologique "celui qui aime". J'adore la musique. Pratiquement toutes les musiques. Je suis tombé dedans quand j'étais petit, grâce à des parents amateurs eux-mêmes : mon père musicos grand amoureux devant l'Eternel de hard rock et de blues, d'AC/DC à ZZ Top, de Thiéfaine à Trust, ma mère grande auditrice dont le spectre va de Pat Benatar à Toto en passant par Johnny Halliday et Patricia Kaas. Et surtout, un film me colle véritablement à la peau, un film séminal, vu et revu des dizaines, des centaines de fois depuis ma tendre enfance (mes parents m'ont conditionné), et qui a ouvert mes sens à la grande famille du rock : The Blues Brothers (1980). Trêve de bavardages, place au son ! 

 

Pour commencer, j'ai choisi le morceau "Dynamite" interprété par Brenda Lee, morceau que j'ai découvert sur la bande originale de Casino (Martin Scorsese, 1996). Née en 1944, Brenda Lee enregistre l'entraînant "Dynamite" qui sort en single en 1957 chez Decca. C'est une chanteuse très tôt passionnée par la musique et très tôt "mise sur le marché", qui commence d'abord par interpréter des titres plutôt country. Sur ce morceau, c'est sa voix puissante d'enfant précoce qui m'a plu. 

 

 

J'ai ensuite proposé un titre de Robert Johnson, l'un des bluesmen les plus connus du XXe siècle. Je l'ai découvert par hasard en fouinant dans les archives anarchiques du blues ; le fait que les Blues Brothers aient repris son "Sweet Home Chicago", chanson que j'adore, est pour beaucoup dans cette découverte. Selon la légende, il aurait vendu son âme au diable contre le don de la musique, et il serait mort de manière assez étrange, en 1938. En tout état de cause, il est devenu une source incontournable pour tous les guitaristes du monde. 

 

 

 

C'est au tour du duo Sam & Dave de venir squatter le blog, avec ce morceau intitulé "Soothe Me", sorti en single en 1966 chez Stax, avant d'être inclus dans leur premier album la même année. 

 

 

 

Cela vous dit quelque chose ? C'est normal, c'est une chanson de Sam Cooke, qu'on entend furtivement dans The Blues Brothers, sur le poste de la Dodge, lorsque Jake et Elwood passent "à l'orange" et se font arrêter par la police. Petit moment off, où la mission divine, après s'être révélée à Jake face au révérend James, frappe à son tour l'esprit d'Elwood en plein délit de fuite. A ce moment, la chanson est terminée et laisse place à "Hold On I'm Coming", également interprétée par Sam & Dave. Ces deux-là furent repérés au début des années 1960 et signent vite chez Stax. Leur succès est phénoménal, bien épaulés qu'ils sont par Isaac Hayes, David Porter, Booker T & The MGs et Mar-Keys. Malheureusement, la discorde et la drogue sapent leur création musicale au début des années 1970 ; ils se séparent définitivement au début des années 1980 en laissant, malgré tout, une flopée de tubes à toutes les oreilles mélomanes. 

 

 

J'ai ensuite choisi un morceau du compositeur Herbie Hancock. En 2010, en écoutant TSF Jazz, je suis tombé sur cette chanson bucolique de 1963, intitulée "Mimosa", sur l'album Inventions & Dimensions. J'ai tout de suite apprécié ce mélange entre jazz classique et percussions afro-cubaines, rappelant non sans malice l'attrait pour ces rythmes exotiques du Gainsbourg Percussions de 1964. Jusqu'à récemment, Herbie Hancock restait pour moi le compositeur androïde et électro-hip-hop du "Rock It" du générique d'une émission de Thierry Ardisson, reprise dans le Vice City de GTA, sur la radio Wildstyle. J'ai depuis élargi mon point de vue restrictif sur cet immense musicien en lui reconnaissant un talent touche-à-tout, proche du génie. Mon père, avec qui j'ai contemplé récemment un live intitulé Hymns for Peace de 2006 réunissant notamment Hancock, Carlos Santana, Wayne Shorter, Chick Corea, Steve Winwood, évoque l'auteur de "Mimosa" comme d'un professionnel de la musique ; et dans sa bouche, c'est la classe ultime. 

 

 

 

Pour la dernière semaine de novembre 2010, j'ai choisi un titre de l'un des plus repris de l'histoire de la musique noire aux Etats-Unis, Bill Withers. Cet immense représentant de la soul ne vous dit peut-être rien, mais "Ain't No Sunshine", "Lean on Me", "Just the Two of Us", "Lovely Day", "Who is he?", c'est lui ! 

J'ai découvert Bill Withers un peu par hasard, au début de mon adolescence. Je me cherchais alors, navigant dans divers ruisseaux musicaux : ceux de mon père, relativement ; le hip-hop, premier amour de jeunesse ; Gainsbourg, poète moderne et provocateur ; The Blues Brothers, toujours. Je tombai inopinément sur une réclame vantant un double-cd peu enthousiasmant a priori. Les maisons de disques tentent parfois de vendre ce genre de double best of, réunissant deux artistes ayant un lointain point commun. Celui-ci réunissait Billy Paul, artiste très connu, et Bill Withers, donc, que je ne connaissais ni d'Eve ni des dents. Mais les courts extraits publicitaires me captivèrent. Je ne me souviens plus si j'ai puisé dans mon argent de poche ou si mes parents ont puisé dans le leur, mais je me suis trouvé très vite à écouter ce best of sous toutes ses coutures. J'ai adoré. Cette chanson, "Memories Are That Way", extraite de l'album Bout Love sorti en 1978, me plonge à chaque nouvelle écoute dans une émotion paradoxale, à la fois chaude et sensuelle, mais aussi mélancolique ; ce morceau emmitoufle l'auditeur dans un spleen, le piano lui tire des larmes irrationnelles, et la voix enveloppante du soulman fait le reste. 

 

 

 

Vient ensuite une chanson emblématique du Chicago Blues, le "Mannish Boy" de Muddy Waters, qui a influencé les plus grands groupes de rock, notamment en Grande-Bretagne. J'ai entendu ce genre de morceau tellement de fois ("Hoochie Coochie Man" de Muddy Waters, "I'm a Man" de Bo Diddley, "Framed" de The Sensational Alex Harvey Band, entre autres) que j'ai toujours cru, dans mon simple esprit, qu'il n'y avait qu'un seul et même morceau que j'écoutais si mal que je ne le reconnaissais pas ! J'ai découvert "Mannish Boy" en visionnant des dizaines de fois The Goodfellas, de Martin Scorsese (1990). Ce titre date de 1955, mais il fonctionne toujours, surtout dans les scènes du septième art dans lesquelles il y a une confrontation virile entre deux ego givrés. Lorsque Muddy Waters part pour Chicago en 1943, il révolutionne le blues en échangeant sa guitare acoustique pour une électrique, en ajoutant une section rythmique et un harmonica. A écouter quand on doute de sa virilité, un bourbon dans la pogne, un barreau de chaise dans le bec et les panards sur la table ! 

 

 

 

Le 12 décembre 2010, j'appris, avec trois mois de retard, le décès d'un des plus grands soulmen américains, surnommé The King of Rock'n'Soul : Solomon Burke. Le morceau que j'ai partagé, "Cry to me", sorti en EP en 1962 chez Atlantic, est l'un des plus célèbres, notamment parce qu'il fait partie de la bande originale de Dirty Dancing ; c'est d'ailleurs grâce à ce film que ma mère adorait que j'ai connu ce gros black à la voix chaude, sexy en diable. Petit bijou des sixties, ce titre est un exemple de cette fusion, de ce syncrétisme caractéristique de la musique noire américaine, au romantisme faussement naïf, à base de robes à fleurs, de Coca-Cola, de Ford Thunderbird, de drive-in, de brillantine, l'Eglise baptiste le dimanche avec papa et maman... Très tôt proche de la religion, Solomon Burke fait des allers-retours entre musique et spiritualité en exerçant son art dans une chorale, puis prêche dans une radio, il sort des galettes de gospel également. Son heure de gloire reste les années 1960, même s'il avance en continuant de sortir des disques jusqu'au XXIe siècle. Un grand monsieur de la musique. RIP. 

 

 

 

Vient ensuite un morceau chanté par une actrice, et pas n'importe quelle actrice : la panthère noire sexy et férocement émancipée Pam Grier. Vous savez, cette actrice qui a fait les beaux jours du cinéma bis qu'on a appelé blaxploitation (Coffy ; Black Mama, White Mama ; Foxy Brown ; Sheba Baby ; entre autres) dans les années 1970, et réhabilitée par Quentin Tarantino dans Jackie Brown ! Je l'ai découvert dans ce film-là, d'ailleurs, et j'en suis tombé amoureux. Dans le rôle de Jackie, elle incarne à la fois cette femme puissante et libérée, qui a les couilles de berner tout le monde - les cinéphiles l'avaient déjà vue ainsi -, mais aussi cette femme de presque cinquante ballets, qui a des rondeurs, des fragilités, des marques, et des petits plaisirs (les vinyles seventies), ce qui la rend d'autant plus touchante. Dans ce morceau, extrait d'un de ses premiers films (The Big Doll House, 1971), elle dit qu'elle veut être libre. Paradoxale, pour une actrice ayant joué tant de rôles de femmes libérées ? Pas tout à fait : d'une part, ses personnages doivent toujours se battre pour être libres ; d'autre part, le film en question évoque la question des femmes en prison. CQFD. Ce morceau est un hymne à la liberté chantée par une jeune femme noire aux Etats-Unis en 1971, et l'effet qu'elle me fait est toujours le même : une irrépressible soif de venir l'aider, lui briser ses chaînes. Une soif misogyne et supérieure, en fait. Mais je ne fais rien. Plaisir décuplé lorsque l'on comprend qu'elle n'a besoin de personne. Girl power !

 

 

 

Le dernier morceau que j'ai publié en 2010 est celui de Minnie Riperton : "Every Time He Comes Around", sorti sur l'un de ses meilleurs albums, Perfect Angel, en 1974 chez Epic. Ce titre me fait voyager dans les méandres de mon cerveau, reconstituant une époque (le début des seventies) et un lieu (une métropole américaine) que je n'ai pas connus, psychédéliques et ensoleillés par l'effet de la guitare électrique, littéralement shooté par la voix suave, sucrée et noire de la jeune femme. J'ai découvert Minnie Riperton sur la bande originale de Jackie Brown de Quentin Tarantino (1997) avec le sublime morceau "Inside My Love" ; c'est mon frère qui a extrait cette chanson du film et me l'a fait écouter pour la première fois. Minnie Riperton n'était pas une femme, c'était une voix. Céleste. Après avoir débuté dans des groupes de filles, elle devient choriste de Stevie Wonder, puis, fulgurante, sort successivement cinq albums en huit ans, tous des chefs-d’œuvres fusionnant soul, funk et balade. Atteinte d'un cancer du sein, elle meurt en 1979 à l'âge de 31 ans. RIP. 

 

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