· 

les chansons de la semaine 2011 (5/5) (archives)


 

La précédente partie de la sélection 2011, c'est là !

 

* Article initialement publié ici le 7 août 2011

 

J'ai choisi cette semaine un titre des Américains de Chromatics qui s'intitule "Healer", sixième piste de leur album Night Drive, sorti en 2007 chez Italian Do It Better. 

 

 

Après deux albums de punk-noise basé à Seattle, Adam Miller retrouve à Portland son pote Johnny Jewel (de son vrai nom John Padgett), moitié de Glass Candy et surtout co-fondateur (avec Mike Simonetti) d'un nouveau label (Italian Do It Better) axé plutôt sur la disco. Mais attention, il convient d'y ajouter quelques adjectifs : une disco originelle, synthétique, et plus italo que cosmic - une autre mouvance qui n'en finit plus de ressurgir. La chanteuse Ruth Radalet complète le duo, et c'est parti pour l'un des meilleurs albums que j'ai écouté cette année !


 

On pourra citer toutes les références probables ou revendiquées (Kraftwerk, The Cure, Kate Bush, John Carpenter, Blondie, New Order, Dario Argento, Giorgio Moroder et Donna Summer), le disque n'est pas une vague resucée de ce que l'on a déjà entendu mille fois déjà, ni même un hommage brillant. En fouillant dans le passé crade et originel de la disco (quête d'hédonisme dans un quotidien sombre comme un stroboscope pété), en élevant le débat qualitatif (les productions sont peaufinées, les sorties, au compte-goutte), en racontant l'errance nocturne d'une nana éventuellement chargée à la recherche de son boy-friend à travers une ville dangereuse et froide (cold), les Chromatics "s'invente[nt] un futur" (1) ; surtout - et c'est un compliment de choix -, ils "ne ressemblent qu'à eux-mêmes [...] les Chromatics sonnent comme du Chromatics" (2). J'ai découvert ce groupe - cela devient une habitude - en lisant cette horrible feuille de choix qu'est Technikart, qui conseillait également (et je confirme) leurs voisins de label Glass Candy et la compilation du label After Dark (2007). Ce qui est intéressant dans cette musique, c'est cet apparent paradoxe, le paradoxe originel de la disco : sous la fête, la danse, les pattes d'éph' et les paillettes, sous l'individualisme (apparent), il y a des communautés en quête de liberté et d'identité (les gays, les noirs, les freaks, les femmes), la drogue, la misère existentielle et, bientôt, le sida. Par la construction musicale ralentie (tempo lent), à la fois chaude (grosse basse - synthétique tout de même) et froide (boîtes à rythmes élémentaires réglées comme un métronome monolithique, claviers datés, synthés 80s) (3), sans oublier la voix de la chanteuse (robotique et mélancolique, paradoxalement so human after all), la musique des Chromatics, loin de jouer les dépressives hype, offre un trip réaliste de la vie condensé en une soirée vécue par cette fille : droguée (peut-être), en quête (de plaisir), aérienne et hypnotique (comme dans un songe), mais bien mortelle (le tic-tac de "Tick of the Clock"). Le disque se termine, "sonnant le glas d'un rêve éveillé et passeport pour renouer avec une triste réalité." (4) Un message subliminal : jouissons avant de partir. 

 

 

 

 

 

Plaisir coupable : "I Want Your Love".


 

 

* Article initialement publié ici le 14 août 2011

 

J'ai choisi cette semaine une chanson d'une DJ norvégienne répondant au doux prénom d'Annie : "Come Together", issue de son premier album Anniemal sorti en 2004 sur le label 679. 

 

Née en 1978, d'un père organiste notamment, l'adolescente Anne Lilia Berge Strand créé un groupe de rock, avant de mixer et de se faire un petit nom sur la scène de Bergen. Un nom et des contacts. Elle commence à travailler avec un producteur local, DJ Erot (Tore Andreas Korknes), qui mourra quelques années après, et sort le single "Greatest Hit" en 1999 sur un sample du titre "Everybody" de Madonna. Puis elle mixe pas mal, travaille frénétiquement, et surfe sur sa hype underground pour sortir un premier album pop et acidulé, qui est très bien reçu par le public, un album rempli de "tubes potentiels ou avérés" (5). A sa sortie en Europe, je suis, j'avoue, tombé sous le charme de cet album rafraîchissant, offrant un large éventail de ce que la pop festive peut offrir en 2005. Ses influences sont nombreuses : Kylie Minogue et Madonna, bien sûr, mais aussi les vieux tubes sucrés des années 1980 comme seule la France a pu en produire, ou encore le R'n'b de la belle époque (la fin des nineties). Le genre d'album que l'on écoute sans avoir besoin de réfléchir, un album régressif qui nous envoie danser dans une chambre d'ado, un Malabar dans la bouche, sirotant tranquillement un verre de Banga entre deux copines collégiennes aux seins naissants, sans nostalgie - on est en 1996 ! Bizarrement, c'est un album un peu anachronique aujourd'hui, comme s'il appartenait davantage à la fin des années 1990 qu'aux drôles années 2000 ; un album convivial et inoffensif, sans arrière-pensée.... A la réécoute, on a l'étrange impression qu'il est daté, comme si les vagues électro-pop d'Uffie, d'Alizée, de LaRoux conjuguées à la soul 2.0. des Wino, Duffy, Selah Sue & co avaient ravagé la pop d'Annie. 

 

 

 

"Come Together" est un long appel langoureux à la jouissance et ressuscite les plus belles heures de la disco. Annie aime les sucettes Chupa Chups ! Tout y est : la voix sucrée et flottante, les rythmes endiablés, la ligne de basse caractéristique, les effets sonores de l'époque tels que l'on pourrait se croire dans un dessin animé intergalactique des eighties. Depuis, Annie, après avoir remporté une ribambelle de récompenses, a monté son label Totally, puis sorti un deuxième album, Don't Stop, en 2009 (pas écouté).


 

 

* Article initialement publié ici le 21 août 2011

 

J'ai choisi cette semaine un morceau du rappeur français Teki Latex intitulé "Go Go Go", sorti sur son album solo Party de Plaisir, en 2007 chez Virgin. 

 

Par où commencer ? Né en 1978 à Paris, Teki fonde le groupe TTC avec son cousin Cuizinier et Tido Berman avec l'ambition de faire un rap plus expérimental que la moyenne. Les collaborations s'enchaînent, les maxis aussi, ils se font notamment remarquer avec un titre en hommage à un vieux feuilleton belge "pour les enfants" diffusé au début des eighties, "Léguman", le "super-héros végétal [qui] fait la loi dans le compartiment légumes du réfrigérateur" ! Ils sortent trois albums entre 1999 et 2006, très différents les uns des autres, ils participent à de nombreux projets, tous plus excitants les uns que les autres (L'Antre de la folie, L'Armée des 12, L'Atelier, les tapes Pour les filles, Qhuit, Omnikrom, etc.). En 2003, Teki fonde le label Institubes, fermé en 2011. 

 

Après de longs mois d'attente, l'album solo de Teki sort enfin, avec un virage pop plus qu'assumé : chaque piste évoque un style bien particulier, avec un penchant déviant pour les eighties, comme le prouve "Go Go Go", tube italo-disco premier degré, introduit par le Genevan Heathen, juste bon à danser sous les stroboscopes fluos ; Teki y pastiche même Chagrin D'Amour ! Ses influences, il en parle librement : Lio (présente sur l'album, avec Gonzales et Katerine), Duran Duran, Kim Wilde, les Goonies, Cat's Eyes, Marty McFly, etc. (6). 


 

Physiquement, Teki est un Larry Kubiak obèse, fluo et bondissant sur scène, à la voix nasillarde lorsqu'il monte dans les aigus, qui multiplie les inimitiés, tantôt insulté d'obèse misogyne trisomique, fruit d'un inceste, tantôt moqué, avec TTC, parce qu'ils se seraient appropriés des textes de Kool Keith ou des Beastie Boys. Personnellement, j'ai commencé à fréquenter musicalement Teki Latex au début du nouveau millénaire. Alors abonné à Groove Magazine, je reçois chaque mois une compil d'une dizaine de titres sélectionnés par le mag', et sur l'un d'entre eux, le titre "Le Hip-Hop C'est mon pote", du projet L'Atelier. J'ai été scotché par tant d'inventivité, tant du côté des textes (Fuzati, James Delleck) que de la musique (Tacteel, Para One). Dès lors, j'ai écouté frénétiquement tout ce qui touchait de près ou de loin à TTC, de La Caution aux Svinkels, du Klub des 7 à Modeselektor, jusqu'aux clashs avec Donkishot ou Yelle, ainsi que le dernier "Dinosaurs with Guns". Le mot de la fin ? "Acajou". 

 

 

* Article initialement publié ici le 28 août 2011

 

J'ai choisi cette semaine un titre d'un groupe suédois, Studio, "Origin (Shake You Down by the River)", sorti sur une compilation Yearbook 1, en 2007 sur le label Information. 

 

 

Cela ressemble légèrement à cela, de la cosmic-disco. Le groupe est composé de Dan Lissvik et Rasmus Hägg, et fabrique une musique répétitive et envoûtante, moite et interminable ; on est loin de l'ambiance froide de Millenium (la célèbre série littéraire du regretté Stieg Larsson) ! Les références ? Un peu entre Lindström (célèbre DJ norvégien) et The Cure, ça touche à New Order et Moroder, et pas mal de krautrock boche (Can, Neu). 


 

* Article initialement publié ici le 4 septembre 2011

 

J'ai choisi cette semaine une chanson du groupe Semifinalists, intitulée "Origin Song", et sortie sur leur premier album Semifinalists en 2006. Américains exilés à Londres ou Londoniens qui se donnent un air américain selon les sources, les membres du groupe se prénomment Adriana Alba, Chris Steele-Nicholson et Ferry Gouw (d'origine indonésienne), tous trois étudiants en cinéma. 

 

Leur musique évoque tour à tour Jeff Buckley (fils de l'immense Tim Buckley), Flaming Lips, Mercury Rev, Pavement, Sonic Youth, Arcade Fire, Daniel Johnston, voire Cardigans ; mais tout ça, c'est de la foutaise ! Cet album est complètement barré et ne ressemble à rien. Quand je l'ai écouté, après avoir vaguement survolé la page musique de ma feuille de chou branchouille préférée, j'ai été... interloqué. Pas tout compris. 

 

 

Par contre, je me suis élevé dans les airs aux vapeurs psychédéliques lorsque les premières notes d' "Origin Song" ont vibré dans mon cerveau. Dans ce groupe, la parité vocale est de rigueur ; dans le titre présenté ici, on ne sait si c'est Adriana ou Chris, ou autre chose ! Marc Beaugé s'interroge même à son sujet : "A-t-il vraiment des couilles ? Fume-t-il des menthol ? Ou vit-il, simplement, dans le monde hermaphrodite de Jonathan Donahue, chanteur des Mercury Rev ?" (7) 


 

Les premières secondes, notamment les voix, sont une incantation au psychédélisme 70s sous LSD ; très vite, des effets montrent le bout de leur nez électroniques, pour bien signifier qu'on est au XXIe siècle ; puis les riffs de guitare ajoutent à l'ambiguïté, à la confusion : où sommes-nous ? Dans un studio londonien rempli de psychotropes au milieu des 90s ? Sur la route 15 désertique du Las Vegas Parano d'Hunter Stockton Thompson, à Barstow, entre la Cité des Anges et la Cité du Vice, avec tequila, éther et mescaline en stock ? Autour de la deuxième minute, la voix est limpide et nous interroge, encore... La musique s'éteint doucement, sur des notes douces, qu'on voudrait empruntées à une boîte à musique, avec une danseuse étoile des années 1900, ou à la revisite de "My Favourite Things" des Lennon Sisters. Qui figure au générique du Las Vegas Parano de... Terry Gilliam. "Doux Jésus ! Mais d'où sortent ces satanés oiseaux ?"

 

 

* Article initialement publié ici le 11 septembre 2011

 

J'ai choisi cette semaine un morceau d'Outkast, "Prototype", présente sur leur double album Speakerboxx/The Love Below, sorti en 2003. Intégrant la confrérie ultra sélecte et très fermée des artistes déjà cités par votre serviteur, avec pour le moment comme unique membre Gil Scott-Heron, le groupe d'Atlanta n'a toujours pas fait mieux, pour l'heure, que cette double galette qui vient d'ailleurs. Presque dix ans, déjà, et pas une ride. Un peu l'inverse, même ! 

 

Mis à part peut-être le premier single "Hey Ya!", qui, s'il a fait danser mes neurones durant de longs mois, s'est vite asséché à mesure qu'il touchait le monde entier (un effet de la distinction ?), la plupart des titres présents sur l'album ravit mes sens musicaux chaque jour. Après avoir découvert Outkast par "Mrs Jackson" et "B.O.B.", ma première écoute de l'album débute par "Ghettomusick", deuxième single, alternant des phases électro-rapides à d'autres mid-tempo et érotico-soul. Un véritable shoot euphorisant. Puis, je me tourne vers la partie d'Andre 3000 et tombe sur un morceau qui, parmi d'autres, me scotchent par tant d'inventivité, de soleil et de sentiments.

 

 

"Prototype" semble certes assez guimauve, mais si bon. L'intro évoque un voyage, les premières chaleurs du printemps, un soleil déjà haut, déjà chaud dans un ciel bleu, un pré vert comme l'espoir parsemé de belles marguerites OGM... I think I'm love again. Parfois simpliste, le morceau possède sa part de doute, de mélancolie, dans le sens où un prototype n'est qu'un premier exemplaire, voué à être perfectible. Et on est toujours à la recherche de son premier amour, par nature... imparfait. Par l'espoir de retrouver cette imperfection, cette innocence, cette douceur, cette sensation de vraiment vivre sa vie, de rendre grave une situation futile parce que c'est grave, putain, c'est son enfance qu'on poursuit, sa jeunesse. Le mieux, c'est quand on arrive à grandir en gardant cette flamme, celle de l'insouciance et de la candeur, celle du premier vrai amour et des rires francs... "Te souviens-tu des instants adolescents insouciants, quand notre envie de tout vivre était plus forte que le temps... Te souviens-tu des ballades, des aventures, des moments, quand devant le crépuscule, on se réveille plus grand..." (8) "Prototype", c'est ça : l'adulescence revendiquée, la pureté de l'enfance conjuguée à la force de l'amour.

 

Edit 13/03/2021 : Lorsque j'ai écrit le texte ci-contre, je n'avais pas encore visionné le clip qu'Outkast avait consacré au morceau en 2004, que l'on peut voir ci-dessous. Je suis ravi de voir que ce morceau évoque à Andre 3000 comme à moi l'amour épuré, un pré vert, des arbres, des marguerites... 

 


 

 

* Article publié initialement ici le 19 septembre 2011

 

Semaine particulière. Dans la nuit du 12 au 13 septembre 2011, Mehdi Favéris-Essadi meurt à la suite d'une mauvaise chute du haut de sa mezzanine. Merde... 

 

Alors que je viens de célébrer la vie (à travers le baptême d'une adorable Amandine), ma femme, marraine, m'apprend à brûle-pourpoint, qu'un DJ rebeu est décédé. "DJ Abdel", m'assure-t-elle avant de se raviser au bruit d'un hésitant "DJ Mehdi, peut-être ? Je l'ai lu dans Direct Matin, cette semaine, je crois..." Alors que je viens de publier un post dans lequel j'écris, seulement pour la seconde fois, à propos d'un groupe déjà cité sur le blog, DJ Mehdi nous quitte sur un malentendu ; j'avais posté sur Gil Scott-Heron avant qu'il meure, quelques semaines plus tard. Ne m'appellerais-je "le blogueur poissard", "la guigne", "la scoumoune" ? Alors, nous serions en pleine science-fiction, en plein épisode de X-Files poursuivi par le renard Mulder et le docteur Scully... On entend déjà les sombres présages. Tous les articles publiés sur ce blog seront hantés à jamais, dans les limbes virtuels d'une mort bien réelle. Mais alors ? Si mes calculs sont exacts, les membres d'Outkast périront dans d'obscures circonstances, dans exactement cinq mois, Big Boi épuisé jusqu'à la mort par la danse endiablée de jeunes et sexy filles masquées, Andre 3000 dévoré par le minuscule singe à la grande gueule. Avant d'en arriver à la fermeture administrative de ce blog vaudou, je souhaite revenir au sujet, car, si j'essaie vainement de faire sourire, le cœur n'est vraiment pas à la fête. Le départ de Mehdi est particulier pour moi, car il a véritablement accompagné ma vie, depuis ma plus tendre adolescence et ses prods pour Idéal J, 113 et Assassin, jusqu'à ma trentaine pas encore accrochée, rythmée par les bpm siglés Ed Banger, écurie qu'avait rejointe Mehdi au milieu des années 2000. Oh, et puis zut... Marre des hommages ronflants qui ne satisfont que ceux qui les écrivent. L'horizon ? L'avenir. Celui de la house. DJ Mehdi + Riton = Carte Blanche, "Gare du Nord", 2010. Repose en paix, putain de merde... 

 

 

Notes

1) Christophe BASTERRA (2008), "Chronique", Magic RPM n° 115 (lien introuvable).

(2) Clovis GOUX (2007-08), "Dark angel disco club", Technikart n° 118, décembre-janvier, p. 101.

(3) Sébastien RADIGUET (2008), "Chronique", Benzine, 12 février (lien introuvable).

(4) C. BASTERRA (2008), art. cit.

(5) Jeff (2005), "Chronique", 11 septembre, sur le site Goûte Mes Disques (ici).

(6) Teki Latex, cité par : Louis-Henri DE LA ROCHEFOUCAULD (2007), "Les Goonies VS Le Muppet Show", Technikart hors-série n° 15, janvier, p. 72.

(7) Marx BEAUGE (2006), "Rock à deux sexes", Technikart n° 103, juin, p. 87.

(8) Refrain chanté par des chœurs d'enfants, sur la chanson "Antenne 2", présente sur le troisième album de TTC, 3615 TTC, sorti en 2006.

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0